Je me grattais la tête d'un aire pensif. Comme beaucoup avant moi, j'allais abandonné mon patient  en espérant qu'il trouverait quelqu'un de plus qualifié. Cela faisait un an que je tournais en rond à ce sujet. Cet adolescent était insondable et insauvable.  Assis à mon bureau, je me massais maintenant les tempes. La bobine sur le magnétophone grésillait. Je connaissais l'histoire par coeur, Je l'avais écouté maintes fois. Damon Bower, n'était simplement pas un adolescent pour moi. Au début de sa thérapie, je m'étais procuré les enregistrements de l'enquête qui avait eu lieu. J'avais même fait un montage avec les éléments pertinents pour pouvoir analysé comme il faut. J'avais mis les histoires dans un ordre bien précis, même si elles n'allaient pas dans le même ordre que celle de l'enquête, parce que j'étais soucieux de la chronologie.

« -16Novembre 2011, j'interroge le témoin ici présent - Garry Graham. Il était déjà à l'époque le voisin de la famille Bower. Garry, vous pouvez procéder.
- Les gens pensent que tout à commencé à l'époque de Alexie Bower en 2010, mais je vous assure du contraire. C'était - et ce l'est toujours- un enfant troublé. Je suis certain qu'il a tué ma femme Thérèse , paix à son âme, en 2008.
Un bruit de papeterie qu'on éparpille se fit entendre.
-Comment pouvez vous l'affirmer? Il y avait eu une enquête à cette époque et jamais la piste n'a mené à un gosse de huit ans. Vous semblez pourtant bien convaincu de votre coup...
-Bien sur! Il n'arrêtait pas d'affirmer qu'elle allait mourir. Pas seulement la fois où je l'avais surpris, mais bien des fois au par avant. Si cela n'est pas une preuve pour vous... Je me demande bien ce que cela pourrait être.
- Pouvez vous nous décrire la scène?
- Thérèse était dans le jardin pour s'occuper des roses - comme tous les dimanches - et elle a crié. Elle m'a expliqué par après qu'elle ne l'avait pas entendu approcher, mais qu'il était surement devant elle depuis plusieurs minutes. C'est un enfant vicieux vous savez, il est trop silencieux quand il marche. Comment peut-on être si silencieux, si ce n'est dans le but de cacher notre présence? Bref, j'avais entendu ma femme crié et je m'étais précipité dans le jardin pour la trouver  agenouillé devant la roserais en fixant le gamin debout devant elle. Il a dit et je cite «Vous allez mourir!» et puis, voilà que six mois par après, elle est décédé dans son fauteuil. Ce fut une mort subite. Bref, quand j'avais chassé le gosse de mon terrain, elle m'avait dit que ce n'était pas la première fois qu'il le lui disait, que c'était un jeu pour lui. Un jeu bien mortel quant-à moi! »
J'avais interrogé Damon à ce propos dans mon bureau, lors d'une de mes rencontres, la conversation c'était déroulé comme suit:
- J'ai écouté les enregistrements de l'enquête à ce sujet et je dois dire que l'histoire de Madame Graham m'a bien troublé. Pourquoi harcelais-tu une vieille dame de façon si troublante.
Il m'avait fixé d'un drôle d'aire, comme si j'avais posé la question la plus stupide de l'humanité. Puis, il avait replacé sa chemise.
- J'avais juré de ne rien dire, mais puisque vous êtes tenu du secret professionnel, je puis bien me le permettre. Madame Graham était atteinte d'un cancer généralisé, je le sais, parce que j'avais intercepté son courrier. Sans le vouloir vraiment, le facteur avait simplement glissé la lettre dans ma boite au lettre par mégarde. Elle m'avait fait juré de ne rien dire à son maris. Ils n'avaient pas l'argent pour les traitements et elle se disait intraitable. La vieille ne voulait pas qu'il se ruine pour elle. Même son notaire n'avait le droit de rien révéler. J'ai tenu ma langue, il a tenu sa langue, le mari m'en veut, parce qu'il a mal d'avoir perdu sa femme.
Son histoire c'était avéré vrai, je n'avait plus rien à y redire.

« - 3 Avril 2010, témoignage de Crystal Bower, mère de Damon et Alexie Bower.
- Cet enfant est un monstre monsieur le juge. Il me rend cinglé depuis toujours, même pendant la grossesse il a été difficile, j'ai été cloué au lit pendant des mois. Je le déteste, JE LE DÉTESTE, hurlait-elle.
-Madame gardez votre calme et tenez vous en aux faits. Si non, nous devrons reprendre l'audience plus tard, avait demandé la défense.
- Il est tellement froid, dit-elle en reniflant (on pouvait s'imaginer qu'elle avait commencé à pleurer), j'aurais du le prévoir. Je ne les ai laissé seuls que pendant une vingtaine de minutes, le temps d'aller chez l'un des voisins. Il devait veiller sur sa petite sœur, il connait le numéro de l'urgence... Il aurait dû réagir et appeler. Crier au moins. Il aurait dû... Il aurait dû... Quand je suis rentré à la maison, elle baignait dans son sang, des ciseaux plantés dans sa petite gorge. Toute blanche qu'elle était... Elle est morte, IL L'A TUÉ.
Plus tard, après plusieurs histoires barbantes d'avocat et de justice, ce fut au tour de Damon version enfant de dix ans de témoigner. Sa petite voix fluette, mais pourtant tellement calme et pragmatique lui conférait l'allure d'un adulte étrange.
- Alexie courrait d'un côté et de l'autre de la maison avec des ciseaux dans les mains. Elle disait qu'elle était une coiffeuse et ne devait pas faire attendre ses clientes - des poupées de plastiques, elle leurs coupait les cheveux- je lui avais dit que ce n'était pas de vrais personnes et qu'elles s'en fichaient d'attendre. Elle a chialé et ne m'a pas écouté. Elle a finit par trébucher dans le tapis, les ciseaux se sont plantés dans son cou, la où se trouve la jugulaire. Je n'ai rien fait, parce que c'était une punition juste, selon moi, pour avoir couru avec des ciseaux malgré mon avertissement. Papa dit toujours qu'il y a des conséquences à nos gestes et qu'on apprend grâce à cela. »

Suite à cette histoire, il avait été placé en famille d'accueil. Un couple aimant et concilient. Ils dorlotaient l'enfant comme leur propre fils. La mère était tombée enceinte seulement quelques semaines à peine après l'arrivé du jeune homme. Le cliché aurait été qu'ils abandonnent l'enfant aussitôt, mais ce ne fut pas le cas. Ils l'aimaient tendrement. Toutes les semaines, un travailleur social visitait le jeune pour s'assurer du bon fonctionnement du foyer. Il semblait, selon ses écrits, avoir oublié la raison même de sa présence ici. Il avait jugé, toujours selon ses dires, que c'était bien pour lui et qu'il pourrait reprendre le cours d'une vie normale. Les notes mentionnaient souvent ce vide que prétendait ressentir l'enfant.  Cela avait attiré mon attention.

Par une après midi d'été, je discutais avec Damon dans la cours du centre. Nous regardions quelques jeunes disputer un match de soccer entre eux. Il regardait l'échange d'un œil platonique.
-Damon, es-tu heureux? Lui avais-je demandé. Il  n'avait pas quitté la balle des yeux.
- J'éprouve une absence de tristesse où de joie. Dites moi docteur, qu'est-ce que cela dit de moi?
- Dirais-tu que tu te sens vides?
Il avait sourit, légèrement, avec le coin de la bouche. Il s'était tourné vers moi. «Vous parlez comme Éric mon travailleur social. Vous avez lu ses notes? J'aimerais bien les lire moi-même.»
J'avais plissé le front, cet ado prenait sa thérapie pour un jeu et il ne s'en cachait pas.
- As-tu une copine?
- Les faibles utilisent les autres pour combler un vide, quant-à moi, je ne juge pas le fait de combler son vide par le malheur d'une femme comme étant pragmatique et noble. Je n'ai pas envie d'être en relation et je n'en ai jamais ressenti le besoin.
-Tu n'as donc... Jamais touché de femme?
Il avait haussé un sourcil en me toisant d'un aire supérieur. Cette question le dérangeait, j'avais vue briller un éclat dans ses yeux, quelque chose d'indéfinissable.
-Je n'ai jamais fais l'acte complet, mais j'ai déjà touché une fille quand j'avais quatorze ans. Elle était arrivé ici à cause de problème liés à une sexualité trop bien assumée. Elle avait clairement besoin de traitement, il en va de soit. Elle s'était glissée dans mon lit une nuit. Son corps était chaud et elle portait une simple chemise de nuit. Elle avait glissé ses doigts dans mon slip, sauf qu'elle m'avait effleuré accidentellement avec ses ongles. J'ai repoussé sa main et glissé la mienne entre ses cuisses. Elle m'avait embrassé, elle goûtait la pâte à dent à la menthe. Plus elle m'embrassait, plus je ressentais l'humidité entre ses cuisses. - Sérieusement, je ne comprend pas du tout la folie autour de l'acte, ce n'est rien de vraiment pertinent en soit. - Bref, j'avais glissé mes doigts dans sa fente, puis je les ai laissé parcourir ce qui était visible et gonflé. Je l'ai même embrassé là. J'ai trouvé ça déroutant. Pourquoi tout le monde s'excite à ce sujet? Qu'y a-t-il de torride à entendre une fille couiner comme une souris pris dans un piège, la chaleur et quelques rictus de plaisir déformant ses traits? Il n'y a rien d'artistique ou de beaux là dedans. En plus, il y a une odeur et une saveur. Non, merci sans façon. Ne me parlez pas d'amour monsieur, ce n'est pas parce que je n'éprouvais aucun sentiment que ça change quelque chose.  Tout ça, c'était simplement dégoutant en tous point.
Il avait réussi à me secouer avec sa façon de raconter et il le savait. Qui diable pouvait raconter de telles choses, aussi nonchalamment sur un banc de parc à part lui? Il souriait toujours.
-Peut-être es-tu... Il m'avait coupé aussitôt en faisant de grands signes de négation avec sa tête.
-Homosexuel? Non et je n'ai pas besoin d'essayer pour l'affirmer, je le sais, c'est tout. Certain sont hétérosexuels, d'autres homosexuels, bisexuels, pan sexuels et asexuels. Je suis dans la dernière catégorie. Je lis beaucoup sur la psychologie monsieur, j'aimerais moi-même exercé le métier de psychiatre - n'essayez pas votre psychologie à deux sous sur moi.
Après quelques recherches, j'avais découvert que la fille en question avait été déplacé dans  un centre pour jeunes filles uniquement. Il s'était plaint de ses actes de - je cite- «Dépravée». Il avait lui même fait de la pression sur le conseil de l'établissement pour obtenir son transfert.

«-  27 Novembre 2011, témoignage de Crystal Bower, mère de Feu Alexie Bower et de Damon Bower
-Je l'avais dis que cet enfant était un monstre, je l'avais dis. Pourtant on me prenait pour une folle! Il n'a peut-être pas tué Alexie de ses mains, mais il l'a tué. Et maintenant, MAINTENANT, cela prouve tout. Il est l'incarnation du mal et de la traitrise. J'aurais du écouté Monsieur Graham quand il l'accusait du meurtre de Thérèse.  J'étais une mère à l'époque, j'étais bouchée. Maintenant, je n'ai plus d'enfant. Il vous fallait vraiment un acte comme celui là pour vous réveiller? Il mérite la peine de mort. Cet enfant ne mérite pas de vivre. Je ne veux plus jamais entendre parler de lui!»

Lors d'un autre échange, Damon avait encore réussi à me surprendre en quelque sorte. Quoique mon diagnostique était maintenant claire et que j'aurais dû m'y attendre, il trouvait sans arrêt le moyen de me choquer. Damon avait disparu très tôt le matin et était réapparu très tard le soir. Il s'était sauvé du centre pour dîner au restaurant, glander dans un parc et se faire tatouer. Jamais au grand jamais au par avant il n'avait fait quelque chose de semblable.
-Cela ne te ressemble pas, en plus de fuguer, tu te fais tatouer. Est-ce là une attitude convenable pour un jeune homme de ton âge? Tu me déçois mon gars.
Il m'avait fait une moue boudeur.
-C'est à cause de vous que j'ai fugué.
-Comment cela?
-Vous disiez que je manquais de joie de vivre et de légèreté, je n'ai tenté que de vous complaire. Il semblait accablé que je ne démontre aucune reconnaissance face à ses actes.
-Comment diable aurais-je pu être satisfait de tes agissement Damon?
-Je me suis fais tatouer "Love Mom" sur l'avant bras. Étant donné que je déteste ma mère, c'est plutôt cocasse n'est-ce pas? C'est une blague. Me voilà faisant preuve de légèreté, ça me procure un sentiment étrange. Vous ne trouvez pas cela hilarant monsieur?
-Non.
- Et bien, je crois que je ne ferai jamais carrière dans l'humour, si les hommes sont tous aussi frigides que vous.

«- 27 Novembre 2011 la défense appelle à la barre Dalhia Goth du foyer d'accueil de Damon
-J'aurais vraiment voulu que cela puisse marcher. J'ai toujours été très douce avec lui, lui accordant toute l'attention que je pouvais. Il a dépassé les bornes... Il a tenté de tuer ma fille Laura. John, mon époux s'était réveillé en pleine nuit à cause des pleurs de notre bébé. Le temps d'enfiler son pyjama, les cris s'étaient arrêtés. Il s'est quand même dirigé vers sa chambre pour vérifier et il a trouver l'enfant penché sur elle, tenant un oreiller sur son visage. Je... Nous ne pouvons pas vivre ainsi.
[... ]
-J'appelle à la barre l'accusé, Damon Bower. Des bruits de pas et des murmures se firent entendre.
- Elle pleur tout le temps c'est insupportable. Je n'ai pas eu de nuit complète depuis son arrivée. De quoi rendre fou n'importe qui. J'ai mis cette oreiller sur son visage pour qu'elle arrête de crier. Ça a marché et c'est là que John est survenu. Je ne vois pas le problème: le bébé était silencieux, j'ai réglé la situation. Monsieur Goth se plaignait sans arrêt de la situation. J'ai voulu faire ma part c'est tout. Je ne comprend pas pourquoi on en fait tout un drame: la petite est toujours en vie.»

Le silence fut.

Damon est arrivé au centre le 2 Janvier 2012 à l'âge de 12ans. Il n'est pas arrivé le premier, puisque c'était férié. Il vit ici depuis cette époque, sans autres événements majeurs à déclarer. Sa grand-mère maternelle lui écrit toutes les semaines. Elle est probablement la seule personne qui l'aime vraiment sur cette terre. Elle le visite une fois par mois, lui emmenant des cadeaux et de nouveaux vêtement. Ils semblent très proche l'un de l'autre, bien que le gosse ne semble pas éprouvé d'amour pour elle. Elle, elle l'adore. Elle demande toujours à prendre sa garde, la dame clame qu'elle payera pour qu'il fasse ses études en psychiatrie. Personne ne le laisse partir, car le gosse est intraitable. Pourtant, ce n'est pas de cela qu'il est question dans leur discours. Ils se ferment tous les yeux la dessus. Ils disent que c'est un brave garçon: poli, avec un français correcte, de très bonnes notes dans ses cours, une grand respect pour l'autorité. Bien que froid, il ne semble pas dangereux, d'après les enseignants et le reste du personnel. La seule chose qui le retient ici, c'est mon diagnostique:

Damon Bower, 16ans,  est un psychopathe froid et calculateur.

Malheureusement, je ne sais pas comment l'aider et c'est pour ça qu'aujourd'hui je délègue le dossier en espérant qu'un collègue pourra lui donner des outils pour qu'il puisse changer au mieux. Je ne peux plus rien pour lui.

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